Skip to main content
Blog

Le surmoi, notre censeur intérieur

par 12 janvier 2018septembre 1st, 2023No Comments

Le surmoi, notre censeur intérieur

« Le surmoi est l’ennemi de l’homme aussi bien que son ami. Il n’est pas exagéré de dire que la vie psychique de l’homme est essentiellement faite d’efforts acharnés, soit pour échapper à l’emprise du surmoi, soit pour la supporter ».
E. Jones.

Qu’est-ce que le surmoi ?

Tout comme la première topique, la seconde élaborée à partir de 1920, est un élément fondamental de la théorie psychanalytique de Sigmund FREUD. Cette cartographie de l’appareil psychique comporte trois instances essentielles :
• Le Moi
• Le Ca
• Le Surmoi

Le Surmoi est l’héritier de la liquidation du complexe d’Œdipe. Il est la trace psychique du conflit œdipien et donc de sa sortie « Le surmoi est l’héritier du complexe d’Œdipe et ne s’ins-taure qu’après la liquidation de ce dernier (1938) ».
Le surmoi apparaît dans l’œuvre de Freud dans « Le moi et le çà » en 1923 suite à la conceptualisation de la seconde théorie des pulsions qui oppose et conflictualise pulsion de vie et pulsion de mort.

Quelle est sa fonction ?

C’est un interdit fondamental qui s’articule autour du tabou de la relation incestueuse et autour de l’interdit du parricide ou matricide. L’importance de la force de cet interdit est capitale dans la construction de la conscience morale de l’enfant et le conflit dont le surmoi est issu, ne se situe pas entre la loi et le désir mais entre la loi et la jouissance absolue de l’inceste.

De peur d’être castré, l’enfant se soumet à l’interdit parental et accepte de renoncer à concrétiser son désir. Pour autant, le désir n’est pas supprimé. Une partie du moi de l’enfant va s’identifier à la figure parentale interdictrice alors que l’autre continue de désirer. Il entre alors en conflit avec ses pulsions, la culpabilité apparaît.
Le surmoi correspond aux principes moraux et culturels et empêche parfois la satisfaction de certains désirs en fonction de ses propres valeurs morales et religieuses, des interdits, des règles qui nous ont construits et de l’éducation que chacun a reçu. Il se forme aussi à partir des Surmoi parentaux, du surmoi des génération antérieures aussi par identification d’inconscient. Dans la vie sociale, il peut être représenté par toute forme d’autorité garante de la Loi.
L’enfant va progressivement intérioriser les interdits parentaux, il acquiert alors une fonction d’observation, de critique et de censure. Le moi va donc tenir compte avant toute action de la position critique du surmoi.

Le surmoi ne représente pas la disparition du désir mais la renonciation absolue à la réalisation de son désir et donc à la jouissance interdite. Cette défense incarne donc la barrière indispensable contre le danger redoutable de l’inceste. Il est le garant de l’intégrité du Moi.

Le surmoi comme valeur morale et le surmoi tyrannique

A partir de ce socle, nous pouvons identifier deux représentations du surmoi. Celui qui incarne nos valeurs morales, règle nos conduites, il est aussi notre juge garant d’un idéal vers lequel notre surmoi tend. Il représente la part des fondements de la morale, de l’art, de la religion et de toute aspiration au bien social et individuel de l’homme.

Mais s’appliquer à ne voir que cet aspect de cette part du surmoi reviendrait à lui conférer une place assez superficielle car dans la théorie psychanalytique, l’instance surmoïque dans ce qu’elle peut avoir de terrifiant conduit à lui reconnaître une place primordiale. Il n’est hélas pas toujours le symbole de valeurs morales et d’un idéal auquel l’être humain aspire car à l’opposé de valeurs aspirants à la recherche du bien, il existe un autre surmoi, cruel, tyrannique, féroce qui est la cause d’une grande partie du désespoir humain induisant des actions diaboliques de l’homme, meurtre, suicide, sadisme, destruction et guerre.

Ce surmoi là n’est pas à la recherche du bien au regard de la société, mais de la jouissance absolue( folie des dictateurs). Il ordonne de transgresser toute limite. Ce surmoi despote commande et nous lui obéissons à notre insu même si cela comporte malheureusement parfois, la perte de ce qui nous est le plus cher.

« La conscience, fonction que nous attribuons au surmoi parmi d’autres, consiste à surveiller les actes et les intentions du moi et à exercer une activité de censure » Freud

La répression opérée par le surmoi, et de manière générale par la civilisation, des pulsions inconscientes provenant du ça, masque le fond commun qui caractérise l’homme le plus paisible et les fous sanguinaires.

« Le ça est totalement amoral, le moi s’efforce d’être moral, le surmoi peut devenir hypermoral et alors aussi cruel que le ça peut l’être » Freud

Quels sont ses excès ?

Il condamne, inhibe et commande… Pour la psychanalyse, le sentiment de culpabilité naît du conflit intérieur entre le surmoi, ce qu’il convient de faire, de dire ou de ressentir et le ça, que sont nos pulsions, parfois opposées à nos valeurs ou mœurs et à l’image que l’on s’est forgée de soi. Et selon la formule proposée par Lacan « Le surmoi, c’est l’impératif de la jouissance ! »

Poussé par l’instance surmoïque et par l’appel du ça, le moi en arrive parfois à commettre des actions d’une rare violence retourné contre lui-même ou quelqu’un d’autre. Notons aussi que bien souvent, la condamnation exercée par ce surmoi despote et irrationnel est tellement excessive, qu’il jouit d’un plaisir sadique de la sévérité de ses punitions et auto-flagellations.

Ce surmoi qui exige sans cesse plus de nous et tente de nous mener vers un idéal sans cesse inatteignable, est notre pire ennemi intérieur. Assommés d’injonctions toujours renouvelées et se renforçant au fur et à mesure de nos échecs, il nous maintient toujours plus dans le manque d’estime de nous-même, dans la perte de confiance en nous et en l’autre et nous condamne un peu plus à chaque fois à nous laisser croire que « nous sommes nuls, que nous ne valons rien, qu’il faut toujours faire plus en créant des objectifs inatteignables et en se comparant aux autres »

Plus il est sévère, plus il mène vers l’inhibition de notre personnalité, entretenant les peurs et blocages.

La culpabilité ou le désir inconscient d’échouer

« Il existe, chez tout être humain, un désir voluptueux et cruel de s’abaisser, de devenir de plus en plus petit, ténu, bref de tenir le moins de place possible « , écrit Serge Tisseron dans son livre, Du bon usage de la honte.

Pourquoi le surmoi est associé à la notion de culpabilité ?

Au sens psychanalytique du terme, la culpabilité renvoie à un sentiment inconscient. « Le sentiment de culpabilité, écrit Freud, est muet pour le malade, il ne lui dit pas qu’il est coupable : le patient ne se sent pas coupable mais malade ».

Effectivement, dans la théorie psychanalytique, nous pouvons être coupables et ignorer que nous le sommes puisque consciemment rien ni personne ne nous accuse et qu’aucun délit n’a été commis. En revanche, dans l’inconscient, nous sommes fautifs.

 

Mais alors de quelle faute inconnue le moi se sent-il coupable ?

Cette culpabilité est issue de l’angoisse dite « de castration ». L’enfant qui construit des fantasmes incestueux à l’égard du parent du sexe opposé craint les représailles du parent du même sexe. Inconsciemment, il peut désirer sa disparition, sa mort et s’en vouloir. Dans cette période où une ambivalence affective peut s’installer, l’enfant peut se sentir en plein désarroi. Aussi, le surmoi se retrouve sous la tyrannie de deux exigences opposées, celle d’une demande pressante qui l’incite à prendre du plaisir et l’autre voix qui lui interdit l’accès à ce plaisir ! on peut donc se sentir autant coupable d’avoir renoncé à la réalisation de son désir que de l’avoir suivi !

Jacques Lacan disait que, ce qui nous conduit à la plus terrible des culpabilités, c’est de renoncer à son désir, c’est-à-dire à nos aspirations les plus fondamentales…et donc à être acteur de leur vie.

Le Moi se sent persécuté par une culpabilité dont, la plupart du temps, il ignore la cause. Car le surmoi, notre juge intérieur, ne se limite pas à nous poser des interdits. Il nous demande aussi des comptes sur ce que nous faisons de notre vie, de nos désirs. Très rarement nous nous sentons coupables d’avoir renoncé à nos désirs, en revanche, il s’agit plutôt du contraire « je me sens coupable de faire pour moi et de ne pas penser suffisamment à ma famille, mon épouse etc…Or, céder sur son désir n’est jamais sans conséquence.

A l’inverse, il existe des personnes qui s’interdisent tout. Issu de la culpabilité œdipienne, tout ce qui est source de plaisir, de réalisation personnelle, de choix de vie leur est interdit ou plutôt se l’interdisent.

D’échec en échec, ces patients commencent une thérapie car impuissants et toujours obéissants à leur surmoi dictateur, ils tentent dans un ultime souffle de venir chercher des réponses face à des situations amoureuses ou professionnelles dans lesquelles ils stagnent et s’enlisent depuis parfois des années.

Doublement coupables aux yeux du surmoi, de ne pas accomplir leurs désirs et, à l’inverse, d’être si près de les réaliser, le moi se fige, reste paralysé dans la non action.

Aucune des deux fautes n’est commises car rappelons-nous que la réalisation du désir, à savoir sa « jouissance » reste impossible à accomplir. Nous ne pouvons pas être coupables d’un acte que nous n’avons pas commis et si le surmoi n’existait pas, le moi en lui-même ne se sentirait jamais coupable.

Ce surmoi définit les limites indispensables à notre équilibre affectif et psychique. Il fait office de rempart contre les poussées pulsionnelles qui agitent le ça et regroupe notre pulsion de vie (Eros) et de mort (Thanatos). Les premières relèvent de l’amour, de la sexualité, de notre désir et élan de vie. Les secondes, de la propension à détruire, souffrir et conserver les choses en l’état sans qu’elles ne bougent.

En nous, secrètement un combat a lieu entre ces différentes forces, car le ça est le pôle pulsionnel de la personnalité, la partie la plus chaotique et la plus obscure. C’est entièrement le domaine de l’instinctif, du biologique qui ne connaît ni règles de temps ou d’espace, ni interdits. Totalement inconscient, il est régi et dirigé par le seul principe de plaisir. De ce fait, les choses les plus contradictoires peuvent y exister et cohabiter. Du rapport entre ces trois instances psychiques que sont le Moi, le ça et le surmoi, vont dépendre les équilibres ou déséquilibres humains.

Ce surmoi même s’il est à l’origine de nos interdictions internes, il nous oblige à tenir compte des autres et détermine notre aptitude à vivre avec les autres, en société.

 

Identifier la culpabilité inconsciente

Il est important de pouvoir identifier la culpabilité car elle peut s’exprimer de façon sournoise et pas toujours repérable. Si elle devient source de blocages, d’inhibitions, d’incapacité a faire des choix et prendre des décisions, il est incontestable qu’un travail thérapeutique s’avère indispensable. Elle peut vite devenir source d’une véritable tourmente intérieure dont le quotidien est un enfer.

J’en souffre si :
Je suis à l’affut du moindre signe, mot ou geste de la part de l’autre qui me laisserait penser que j’ai fait une faute
Je reste dans une profession ou un poste qui amène un sentiment de frustration important et une insatisfaction permanente
Je m’arrange toujours ( inconsciemment ) pour faire de mauvais choix amoureux
Je me plie en quatre pour les autres et ne reçois jamais rien en retour
Je trouve toujours de bonnes raisons ou excuses pour ne pas me faire plaisir et laisser passer le devoir et les contraintes ou même les autres avant moi
Je travaille comme un damné mais échoue au dernier moment ou tombe malade
Je m’arrange toujours pour remettre à plus tard une décision qui irait dans le sens de ce qui est bon pour moi
J’ai des comportements de mise en danger, drogue, alcool, compulsions alimentaires
Je me sens indigne des compliments que l’on me fait et suis très mal à l’aise, je me justifie alors à la baisse
Je rends tout le temps service, je me sacrifie
Je ne sais pas dire non
Quand je réussis enfin quelque chose tellement attendu, je tombe malade, je fais une dépression

Une psychanalyse ou psychothérapie vont permettre peu à peu d’identifier tous ces schémas répétitifs. Comprendre n’est pas suffisant pour changer les choses. La véritable rencontre avec son intériorité et les racines inconscientes de ces mécanismes vont permettre en douceur de désamorcer ces conflits et de s’autoriser enfin à réaliser sa vie.

Pour aller plus loin, voici quelques lectures :

  • Totem et Tabou, Freud
  • Pour introduire le narcissime, La vie sexuelle Payot
  • Lemoi et le ça, Essais de psychanalyse
  • La disparition du complexe d’Oedipe
  • Malaise dans la civilisation P.U.F
  • Abrégé de psychanalyse P.U.F
  • Jones, E, « La conception du surmoi » théorie et pratique de la psychanalyse
  • Lagache, D, « La structure du surmoi » in Bulletin de psychologie
  • LAPLANCHE , D ET PONTALIS, J-B ARTICLE « SURMOI »
Virginie Ferrara

Psychothérapeute à Paris, je vous reçois à mon cabinet rue Vignon, Paris 9ème, sur rendez-vous au 01 53 20 09 31